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17/04/2017

"Wer einmal aus dem Blechnapf frißt" Recension, 30 juin 1934

Les Nouvelles littéraires, artistiques et scientifiques : hebdomadaire d’information, de critique et de bibliographie – 30 juin 1934

L’ACTUALITÉ LITTÉRAIRE A L’ÉTRANGER

Un nouveau roman de Hans Fallada.

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L’apport de M. Hans Fallada dans le roman allemand contemporain est fort original et mérite une étude attentive. Parmi les écrivains, en effet, qui essaient d’exprimer et d’expliquer la situation sociale actuelle. Fallada se distingue par sa vision de la vie, singulièrement mêlée d’humanité et d’humour. Le succès considérable qu’a rencontré Kleiner Mann, was nun? Non seulement en Allemagne, mais aussi dans tous les pays où il a été traduit, prouve que ce livre s’adresse directement chez tout homme, sans distinction de classe ou de nationalité, par sa valeur générale de sympathie et d’émotion, à cette sensibilité universelle qui y reconnaît ses inquiétudes, ses soucis, ses aspirations.

Avec Wer einmal aus dem Blechnapf frißt (Ernst RowohltVerlag, Berlin), Hans Fallada aborde un sujet moins étendu que celui du chômage qui faisait le fond de Kleiner Mann, was nun? Moins étendu et beaucoup plus difficile aussi, car il s’agit ici de la vie des prisonniers avant et après leur libération, et la plupart des écrivains qui s’y sont attaqués sont toujours restés  en deçà du but ou s’en sont détournés. Il fallait la grande âme géniale de Dostoiewski pour donner à la « maison des morts » ce tragique qui englobe celui de toute la destinée humaine. Les autres ont glissé dans la déclamation sociale ou moralisatrice, fâcheuse au point de vue esthétique, même quand un sincère humanitarisme l’anime ; je ne parle pas de ceux, évidemment, qui ont trouvé dans la description des prisons un médiocre prétexte pour flatter les plus grossiers instincts du public.

Je crois qu’il est absolument impossible d’imaginer du dehors ce que peuvent être, pour un individu, les longues années de réclusion, et celui qui en a acquis l’expérience, en a si profondément souffert dans son corps et dans son esprit qu’il est incapable en général de la traduire de telle sorte qu’elle soit intelligible à tous. Les « mémoires », en cette circonstance, à moins d’un talent exceptionnel, risqueront, du fait même de l’expérience qui les nourrit, de passer à côté de la vérité, tout comme un simple reportage.

Si M. Hans Fallada a réussi, avec ce dangereux sujet, un beau livre, c’est en raison même de cette vertu de sympathie qui lui est particulière ; de cette puissance de communion qui donnait aux aventures de Pinneberg cet accent d’une émotion si directe. Ici, encore, il nous montre un « petit homme », désarmé devant la vie, emporté dans la course aveugle d’une immense machine qu’il ne connait pas, soumis aux cruautés de la destinée comme une victime, peut-être pas tout à fait innocente, certes, mais touchante par son impuissance même. Celui qui a mangé à la gamelle de la prison y revient fatalement, nous dit-il. Willi Kufalt est un de ses malheureux qui ne sortent de la geôle que pour y retomber, comme par une sorte de tragique prédestination, mais plus vraisemblablement parce que la dégradation physique et morale de la réclusion les a brisés et rendus incapables de se réacclimater à une autre forme de vie.

L’insoluble problème du relèvement des libérés s’aggrave, ici, du fait que Kufalt, en sortant de prison, tombe dans un monde où il y a déjà cinq millions de chômeurs. L’emploi et le relèvement deviennent alors plus que problématiques malgré toutes les bonnes volontés. Or, d’après le tableau que nous montre M. Fallada, il y a dans toutes les entreprises pour l’amélioration du prisonnier et les organisations charitables qui s’occupent de son placement, plus d’hypocrisie et d’exploitation que de vraie charité. M. Sinclair Lewis nous avait montré quelque chose d’analogue avec Ann Vickers, mais le livre de Fallada, qui est d’une émotion beaucoup plus directe et plus profonde, sous son aspect de satire, démasque avec une dramatique clairvoyance l’impossibilité d’atteindre un résultat satisfaisant au point de vue moral et social.

Marcel BRION

 

Source : Bibliothèque nationale de France.

Identifiant : ark :/12148/bpt6k6452185m

 

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