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15/08/2017

Le contrat Hachette / Rowohlt - Octobre 1941

AOUT 2017

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Nous avons trouvé sur le site de la HAL [ https://hal.archives-ouvertes.fr/ ] le texte d’une thèse récente sur la propagande par les livres d’enfants.

Le texte complet est disponible sous ce lien :

https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01254677/document

La thèse s’intitule :

GRILLET, Cécile, Livres et propagande. Jalons pour une histoire culturelle et politique de la presse en France et au Royaume-Uni pendant la seconde guerre mondiale. Analyse comparée des collections enfantines Penguin et Hachette (1940-1944). Histoire. 2015.

HAL Id: dumas-01254677 (12 Jan 2016)

Voici le résumé figurant en ouverture:

RÉSUMÉ : Littérature pour enfants et propagande. Jalons pour une histoire culturelle et politique de la jeunesse en France et en Angleterre pendant la Seconde Guerre mondiale. Analyse comparée des collections enfantines Penguin et Hachette (1940-1944)’.

Ce mémoire d’histoire commencé en octobre 2013 à l’Université d’Oxford en Angleterre, s’articule autour du concept général de littérature pour enfants : il s’agit de regarder la production des enfantina pendant la Seconde Guerre mondiale. Je me suis d’abord essentiellement concentrée sur des livres pour enfants anglais provenant des Puffin books, une collection créée en 1940 aux éditions Penguin Books. Les éditeurs et plus particulièrement les éditeurs influents et proches du pouvoir politique, comme Allen Lane (éditeur de Penguin), représentaient un véritable enjeu pour l’effort de guerre à cette époque car ils pouvaient influencer la population et tourner les esprits vers la guerre. C’est pourquoi mon analyse de ces livres ainsi que des moyens de transmission de la propagande à travers le ministère de l’Information britannique, prouve la présence d’un fort discours patriotique britannique, à travers le prisme didactique et pédagogique. Tout le système normatif littéraire des fictions pour enfants est bouleversé pour les Puffin. Cette collection britannique éditée pendant la Seconde Guerre mondiale conduit à l’émergence d’un livre-musée qui est tourné moins vers la brutalisation et l’identification péjorative de l’ennemi, que vers l’éloge de l’histoire des inventions et innovations britanniques (train) ainsi que du potentiel militaire britannique dans le contexte de cette guerre très scientifique. L’intérêt de cette étude, a été de montrer qu’à l’inverse, la schématique littéraire n’a pas été transformée pour les collections enfantines des éditions Hachette. Bien que la France subisse les pressions de l’Occupation et du régime vichyste, le discours de ces enfantina Hachette ne semble pas proposer une propagande active. Les collections bibliothèque rose illustrée et bibliothèque verte semblent rééditer les classiques dans le cadre d’une politique éditoriale assez élitiste. La propagande politique n’a pas été là où l’on eût pu l’attendre.

 

Mais tout l’intérêt pour les lecteurs de ce weblog et qu’on trouve (pp. 100-103) la mention du contrat signé entre la maison Hachette (Paris) et l’éditeur Rowohlt (Stuttgart) pour la publication en français et la vente de la version française de l’ouvrage de Hans FALLADA Geschichten aus der Murkelei. Un volume illustré par Pierre Simon sera publié sous le titre Pierre-qui-bafouille, reprenant deux contes pour enfant : Pierre-qui-bafouille d’une part et Oreille pendante la petite souris d’autre part.

Nous donnons ci-dessous l’extrait de la thèse qui parle de ce contrat ainsi que la reproduction du contrat, tel que figurant également dans la thèse de Cécile GRILLET.

 

Extrait :

« En ce qui concerne la question de la propagande, le fait de constater que ces contrats sont signés par Hans Buwert, membre du parti nazi, semble être une preuve supplémentaire que ces contrats ne sont signés qu’en vue de faire de ces livres de jeunesse, une arme de propagande national-socialiste. Or, un contrat passé entre les éditions Rowohlt à Stuttgart, d’une part et la Librairie Hachette, d’autre part, sur les droits de publication d’une œuvre de Rudolf Ditzen, dit Hans Fallada, (contes de la Murkelei), met véritablement en lumière la preuve d’une collaboration strictement économique. L’idéologie nazie ne semble pas pénétrer ces livres pour la jeunesse étant donné que Hans Fallada, nom de plume de l’écrivain allemand Rudolf Nitzen, était connu pour avoir été emprisonné onze jours par les forces nazies à la prison de Fürstenwalde en 1933, en raison de son regard trop critique sur le régime (il est aussi l’auteur d’un livre sur la résistance allemande antinazie Seul dans Berlin). Ainsi, le but semble bien plus économique pour les éditions allemande et française, que proprement idéologique. Le texte intégral traduit propose un récit profondément moraliste, qui confine presque à l’apologue, mais qui ne propose pas l’idéologie nazie sous quelque forme textuelle éventuelle. Toutefois, en ce qui concerne la manière dont Hachette a édité ces petites histoires de Hans Fallada, regroupant des contes comme par exemple Oreille pendante, la petite souris, et Pierre-qui-bafouillle, (pour ce dernier, le titre originel est Geschichte vom Nuschelpeter) on ne peut manquer de souligner les partis pris en matière d’illustrations. En guise de photo de couverture, on observe un petit Pierre-qui-bafouille bien français, mais également très blond aux yeux bleus ; ce qui ne peut pas être qu’une coïncidence ni une volonté strictement esthétique.

D’une manière générale, on ne peut que constater que le vecteur idéologique est faiblement présent. Alors comment donner une explication plausible à ce manque d’investissement idéologique et propagandiste dans les livres de jeunesse ? Dans un dossier relatif aux éditions Nathan, une note assez générale sur la « propagande collaborationniste » rédigée par le département allemand de propagande, explique l’idée suivante :

« les brochures rédigées par les Allemands (…) ne peuvent toucher ni convaincre la masse des Français. Pourquoi ? D’abord parce qu’elles ne sont pas rédigées ni signées par des écrivains français et que le public français n’aura jamais confiance que dans des écrits signés par des Français déjà connus de lui avant 1939 – 1940. (…) PREMIERE CONCLUSION : c’est par le LIVRE qu’il faut agir. Et par le livre signé des écrivains français, par des personnages français connus du public français1 »

Cette note nous laisse entrevoir le regard de l’occupant sur la mentalité française et son rapport aux livres. Assez pragmatiques, les Allemands ont, semble-t-il, cerné la subtilité en matière de transmission de la propagande. »

 oOo

LE CONTRAT HACHETTE / ROWOHLT

Art. 1er - ROWOHLT Verlag cède à la Librairie hachette, tant en son nom qu’en celui de l’auteur, pour tout le temps que durera sa propriété littéraire et celle de ses héritiers ou représentants, soit d’après la législation actuelle, soit d’après la législation future, le droit d’imprimer, de publier et de vendre la version française de l’ouvrage de Hans FALLADA « Geschichten aus der Murkelei », qui apparaîtra en deux ou trois volumes accompagnés d’illustrations. Leur prix de vente sera fixé par la librairie Hachette qui pourra toujours le modifier. Les chiffres des tirages de ces volumes seront fixés par la librairie hachette. La librairie Hachette, d’accord avec ROWOHLT Verlag, pourra faire les coupures nécessaires.

 Art. 2. – Pour le prix de la cession qui lui est faite, la Librairie Hachette paiera à ROWOHLT Verlag, un droit de 3% du prix de vente broché par exemplaire vendu, pour la première édition de chaque volume, tirée à 20 000 exemplaires. Au-dessus de ce chiffre, le droit sera porté à 5%. Le compte des ventes sera arrêté le premier mars de chaque année et les droits revenant à ROWOHLT Verlag lui seront réglés dans le courant du mois de juin qui suivra. Toutefois, la librairie Hachette s’engage à verser à ROWOHLT Verlag à la signature du présent traité, une somme de 5 000 Francs à valoir sur ses droits. Cette somme restera acquise à ROWOHLT Verlag en tous cas, même si les droits à lui verser, comme il est dit ci-dessus n’atteignaient pas cette somme. Les frais de traduction seront à la charge de la librairie Hachette.

Art. 3. – Les exemplaires destinés à la publicité et remis gratuitement seront tirés en sus et exonérés de tout droit d’auteur.

Art 4. – La Librairie Hachette remettra à ROWOHLT Verlag au moment de la mise en vente 5 exemplaires justificatifs de chaque volume dudit ouvrage.

Art 5. La Librairie Hachette fera tirer deux mains de passe sus de chaque rame, selon l’usage, et ROWOHLT Verlag ne percevra aucun droit sur les exemplaires qui proviendront de ces mains de passe.

Art. 6 – Les sommes nettes (c’est-à-dire déduction faite de tous les courtages, commission ou frais occasionnés, par les négociations en vue d’une cession) que pourrait produire la cession des droits de reproduction du texte de l’ouvrage en langue française seraient partagées par moitié entre ROWOHLT Verlag et la librairie Hachette. La librairie Hachette sera chargée de poursuivre les négociations et de traiter au mieux de l’intérêt respectif des parties sans être obligée d’en référer à ROWOHLT Verlag.

Art. 7 – Les frais d’enregistrement du présent traité seront à la charge de celle des parties qui y donnerait lieu.

Art. 8. – Dans le cas où la librairie Hachette refuserait dans les trois mois qui suivront l’épuisement de la totalité des volumes et de procéder à l’impression d’une édition nouvelle, ROWOHLT Verlag reprendrait la libre disposition mais les gravures et planches resteront la propriété de la librairie Hachette.

Art. 9 – Au cas où un malentendu viendrait à se produire au sujet de l’interprétation de l’un des points du présent contrat, le cas serait porté devant une commission d’arbitrage, de trois membres, dont l’un désigné par la Librairie hachette, l’autre par ROWOHLT Verlag, et le troisième d’un commun accord par les deux premiers.

 

FAIT DOUBLE ENTRE LES PARTIES ET SIGNE A PARIS, le 22 OCTOBRE 1941 ROWOHLT Verlag G.M.B.H. signature illisible

Librairie Hachette SA, le commissaire : signé Dr. Hans Buwert.

 

OOo

 

Note:

1 : AN, AJ40 / 1006 Services allemands en France