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15/02/2014

Premières recensions ?

REVUE GERMANIQUE

Éditeur : Félix Alcan (Paris)

 

Nous avons retrouvé sur le site Gallica, ces recensions de romans de Hans Fallada, parus dans la Revue Germanique. Ces recensions commencent par celle de Anton und Gerda, le deuxième roman de Hans Fallada. Hans Fallada lui-même considèrera ses deux premiers romans comme de œuvres légères et sans profondeurs et, sans les renier, souhaitera vite ne plus en entendre parler.

On aurait pu s’attendre à ce que cette recension éreinte le roman. Tel n’est point le cas, bien au contraire !

A noter que cette recension est fort probablement l’une des premières à avoir fait connaître le romancier au public français.

Les autres recensions – à l’exception de celle de Märchen vom Stadtschreiber, der aufs Land flog  – concernent des ouvrages parus par la suite en français.

La rédaction

 

REVUE ANNUELLE

LE ROMAN ALLEMAND

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  16e année – 1925

Anton und Gerda

 

Est-ce du roman ? Est-ce du théâtre ? Est-ce du lyrisme ? Ou bien les trois à la fois ? Ces questions se posent d’elles-mêmes, dès qu’on a lu vingt pages du roman de Hans Fallada : Anton und Gerda [1]. Non pas que le lecteur soit en rien choqué de ce mélange des genres, qui est au fond bien plus naturel que leur séparation, puisqu’il ressemble davantage à la vie ; mais il faut le temps de s’en rendre compte, et alors on ne serait pas étonné du tout que ce roman fût une comédie et cette comédie un poème. Prenez certain dialogue de H. Fallada, et portez-le au théâtre ; il y fera bonne figure. Prenez tel autre passage, rythmez-le plus régulièrement ou même scandez-le tel quel ; et il vous apparaîtra comme une tirade en vers libres. Ce jeu n’est nullement désagréable, et le roman-comédie-poème de H. Fallada (qui répond bien à la définition de l’« essai » expressionniste) se lit sans difficulté. Les récitatifs y prennent à peu près la valeur des indications scéniques ou des silences et des jeux mimiques dans le drame, prolongés, bien entendu. Le style narratif, presque aussi haché que le dialogue, s’amplifie parfois en effusions lyriques ou en emphatiques déclamations : rarement. Pour bien apprécier la différence entre la composition de H. Fallada et les procédés classiques du roman, il suffit de comparer Anton und Gerda à l’Advent de H. Hadina, pourtant déjà si personnel, qui s’en rapproche par le sujet et l’inspiration. Ces deux auteurs étudient l’un et l’autre le cas d’un adolescent atteignant et franchissant, non sans mal, le cap de la puberté. Tous deux abordent leur problème (qui, aujourd’hui, passionne les éducateurs et les psychiatres) avec une entière franchise ; mais ce que Hadina ne dévoile que d’une main prudente, Fallada l’exprime crûment (voir par exemple, les chapitres : Schaukel und Kokotte, p. 72-75, et surtout : der Gummi, p. 75-83). L’œuvre prend l’aspect d’une opération chirurgicale, où l’on enfonce le fer dans la plaie : ici, la plaie sociale et psychique de l’ignorance sexuelle, d’où résultent des excès et des déviations. Fallada, moraliste, reproche indirectement aux éducateurs leur impuissance à résoudre le problème d’une éducation rationnelle de la puberté. Car son héros, Anton, n’est vraiment dirigé ni par son père, professeur, ni par son oncle, pasteur, qui ni l’un ni l’autre ne savent comprendre son cas, moins encore par sa mère, qui ne sait que gémir sur les conséquences. Il est aux mains de ses camarades, qui le grisent, de la fille Gerda, qui l’attire, de sa gentille cousine Inge, qui l’amuse : un jouet du hasard, au sortir du collège. Bon, naïf, sincère, il voit s’effondrer lourdement ses illusions d’enfance ; il lui faudra, subir toutes sortes de péripéties douloureuses, avant d’arriver à l’équilibre viril. Il n’y a, dans la dissection psychologique de H. Fallada, aucune prédication et nulle théorie. L’auteur expose le cas, met en scène, raconte, décrit, sculpte des attitudes, exprime des faits et des sentiments : un grand art, âpre et pénétrant, au service d’une bonne cause.

L’auteur mène son personnage, nouveau Des Grieux attaché à une autre Manon Lescaut, jusqu’à la trentaine ; il nous montre aussi les vains efforts de sa famille pour le libérer de cette chaîne d’amour et le soumettre à sa morale bourgeoise : mais l’amour qui ne doit rien à ces éducateurs incapables, triomphe définitivement. Les personnages bourgeois, chargés de ramener Anton dans la bonne voie (car, tout de même, la conclusion est triste), sont traités avec humour : le maire d’une station balnéaire, sur la Baltique, et l’oncle pasteur jouent le rôle comique. H. Fallada est aussi un bon peintre de paysages maritimes : l’action se passe en grande partie à Rostock et dans l’île de Rügen. Tous les derniers chapitres, depuis Morgen am Meer, p. 217, et notamment Und das Meer, p. 289, sont vivifiés par la brise marine ; l’équipée des deux amants sur une yole légère : un jour de houle, est émouvante et animée, autant que symbolique.

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1932

Bauern, Bonzen und Bomben

 

Un romancier indépendant, Hans Fallada, qui se défend de tout parti pris politique, nous montre dans son œuvre intitulée Bauern, Bonzen und Bomben [2] la réaction brutale de la classe paysanne contre les parvenus du socialisme officiel. Bien que l’auteur affirme n’avoir puisé que dans son imagination (ce qui est pure ironie dé sa part), il a visiblement utilisé des faits réels, mais en les dirigeant et les amplifiant selon sa fantaisie. Son roman, tout ponctué de dialogues, est une sorte de comédie bouffonne, quoique parfois sanglante, où d’innombrables personnages s’échelonnent entre deux types extrêmes : le famélique journaliste Tredup, bouc émissaire de tous les complots, et le bourgmestre ventru, Gareis, à la malice de qui tout réussit, même ses maladresses. Dans un enchevêtrement d’intrigues et de bagarres, telles qu’elles se renouvellent chaque jour en Allemagne, on verra le malchanceux Tredup se faire sottement tuer la nuit par un paysan, au moment où il va déterrer au pied d’un arbre une somme d’argent mal acquise ; et l’on verra l’arriviste sozialdemokrat Gareis surnager malgré tout, par la grâce du gouvernement prussien ; une manifestation bruyante des paysans, véritable jacquerie fomentée par des agitateurs agrariens, n’aura pour lui d’autre conséquence qu’un déplacement avantageux. La caricature massive du « bonze » est en proportion du développement copieux de son histoire. H. Fallada sait manier avec vigueur les foules en cohue, ouvriers, paysans, agents provocateurs, et extraire de la masse incohérente les types essentiels. L’incident des bombes est traité avec une verve railleuse qui transforme en grosse farce de villageois cet attentat manqué ; le procès des agrariens se déroule à la joie du public, sans respect pour les juges et la police. En dépit du sang versé, des sabres arrachés, des drapeaux lacérés, l’auteur est parvenu, grâce à la verdeur de son style et au réalisme de son récit, à tirer de l’histoire actuelle de l’Allemagne une gigantesque satire toute rabelaisienne.

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24e année – 1933

Kleiner Mann, was nun

Et encore le chômage en Allemagne, traité par le maître humoriste Hans Fallada qui place au centre de son récit la naissance d’un enfant : Kleiner Mann, was nun ?[3]. Ici, tout est sympathique et honnête : un jeune employé de commerce, Johannes Pinneberg, dont l’auteur fait plutôt la caricature que le portrait, a le courage malgré ses déboires d’épouser une jeune fille pauvre comme lui, qu’il surnomme Lämmchen, et qui lui donne un héritier. L’attente de ce « Murkel » et les soins dont on l’entoure après sa venue sont décrits par H. Fallada avec une verve narquoise et gentille qui atténue les déceptions et les maladresses du jeune ménage. L’atmosphère du grand magasin berlinois, où travaille l’employé venu de province, est rendue avec une exactitude pittoresque ; une galerie de types divers, depuis le chef de rayon grincheux jusqu’au camarade complaisant dans lequel on découvre enfin un nudiste pornographe, complète le tableau. Une habile combinaison du récit, de la description rapide et du dialogue le plus savoureux donnent à cet ouvrage de ton familier une réelle valeur. Il n’y manque même pas le schupo, luisant de graisse, qui bouscule dans la Friedrichstrasse l’innocent famélique.

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26e année – 1935

Wer einmal aus dem Blechnapf frisst.

 

L’étude de la société contemporaine a déjà fourni à Hans Fallada le sujet de plusieurs romans, signalés ici et dont un au moins a été traduit en français. Dans sa nouvelle œuvre : Wer einmal aus dem Blechnapf frisst.[4], cet écrivain étudie le problème du relèvement moral des condamnés et le résout dans un sens négatif. Les efforts honnêtes que tente Willy Kufalt, après avoir mangé cinq ans à la gamelle des prisonniers, pour reprendre pied dans la vie, sont rendus vains par la méfiance, l’égoïsme et l’incompréhension ; il n’a enfin d’autre ressource que de s’associer à un cambrioleur et de retourner, pour sept ans cette fois, à la prison qu’il avait quittée plein d’espoir. Ce fait social est exposé par Hans Fallada en un style cru, bourré d’argot, sans indignation éloquente, avec un fatalisme humoristique sous lequel couve l’ardeur réformatrice ; la dernière partie, où nous assistons à une chasse à l’homme, constitue un bon chapitre de roman policier.

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27e année – 1936

Wir hatten mal ein Kind

 

L’île de Rügen, avec ses baies, ses falaises et ses bruyères, donne un charme maritime au roman fataliste de Hans Fallada : Wir hatten mal ein Kind [5]. Cette aération du paysage était nécessaire pour aviver la morne destinée de deux jeunes gens, le paysan Johannes et la châtelaine Christiane. Amis d’enfance comme dans un conte de fées, ils sont séparés dans leur adolescence par l’inégalité des conditions. Après d’innombrables aventures, après la guerre (sur laquelle l’auteur glisse d’un trait), ils se rejoignent, mal mariés tous deux : unions stériles, obsédées par la nostalgie de l’enfant et que corrige un adultère, enfin suivi d’une naissance ; mais l’enfant meurt, les amants ont manqué leur vie. Ce roman prolixe vaut surtout par les détails pittoresques, la vue directe des gens et des choses, une grosse bonhomie et la familiarité primesautière du dialogue.

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Märchen vom Stadtschreiber, der aufs Land flog

 

En fait d’imagination, la palme échoit à Hans Fallada pour son Märchen vom Stadtschreiber, der aufs Land flog [6], qu’il n’a pas manqué de mettre sous le patronage d’Hoffmann ; il aurait pu aussi invoquer l’autorité de Hans Friedrich Blunck, puisqu’il s’agit ici d’exploiter les superstitions rurales. Cette histoire fantastique d’un jeune clerc d’avoué, qui se voit transformé en moineau pour aller revendiquer la ferme de ses aïeux contre un concurrent, mué aussi en automatique moineau, valait bien dix à quinze pages ; l’auteur le reconnaît dans une préface humoristique où il expose comment sa fantaisie l’a emporté : d’où il résulte que ce maigre sujet s’est enflé, à grand renfort de sorcellerie, jusqu’aux dimensions d’un roman. Il y a de la méthode dans cette insanité ; il y a même çà et là de l’émotion (car le moineau est amoureux) et partout du réalisme, le point de départ étant un héritage campagnard. Ce récit diabolique et moralisant, copieusement illustré, distraira les Allemands de leurs occupations sévères.

 



[1] Hans Fallada : Anton und Gerda. Ein Roman, Berlin, E. Rowohlt, 1923. 1,50 mk or.

[2] Berlin, E. Rowohlt, 1931. 566 p., cart. 6 mk, rel. 8 mk 50.

[3] Berlin, E. Rowohlt. 1932, 364 p., cart. 4,50 mk, rel. 5,50 mk.

[4] Berlin, E. Rowohlt, 1934. 510 p., cart. 4,50 mk, rel. 5,50 mk.

[5] Berlin, Rowohlt, 1934, 546 p., cart. 4,50, rel. 5,50 mk.

[6] Berlin, Rowohlt, 1935, 227 p. ; bois de Heinz Kiwitz.