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20/02/2010

Lettres à Romain Rolland

Le texte que nous publions ci-dessous est paru dans la revue Recherches Germaniques, N°3, 1973 - publiée par l'Université de Strasbourg.

Renseignements sur : http://www.unistra.fr/index.php?id=2229 
Revue annuelle, "Recherches germaniques" publie des études traitant, le cas échéant dans une optique comparatiste, de la littérature et de la civilisation des pays de langue allemande et concernant principalement, mais non exclusivement, la période allant de la Réforme à nos jours. L'Alsace, lieu de sa domiciliation, fait l'objet d'une rubrique spéciale. Par ailleurs, la revue accueille des inédits. Sensible à la vocation européenne de Strasbourg et désirant servir de forum aussi bien à la germanistique française qu'à la germanistique internationale, la revue publie des articles en français ou en allemand.

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Recherches Germaniques, N°3, 1973, Strasbourg. 

HANS FALLADA ET ROMAIN ROLLAND 

TROIS LETTRES INEDITES DE FALLADA (1912)

Présentées par Jean FULL

Fallada Rolland.jpg

 

Rudolf Ditzen, le futur Hans Fallada, est né à Greifswald le 21 juillet 1893. Son père est magistrat et sera nommé en 1908 Conseiller à la Cour Suprême de l'Empire[1]. Avec sa femme et ses quatre enfants il quitte alors Berlin pour s'installer à Leipzig, siège de la Cour.

Rudolf est un garçon délicat, nerveux et de caractère difficile. Après un incident particulièrement dramatique ses parents décident de se séparer de lui[2]. Ils l'envoient à Rudolstadt, petite ville située à une trentaine de kilomètres d'Jena. Rudolf habitera chez une [sic, ndlr] colonel en retraite et suivra les cours du lycée. Bientôt il se lie d'amitié avec un autre lycéen, von Necker, qui partage ses goûts littéraires et compose, comme lui, des poèmes.

Le 17 octobre 1911, les deux amis partent en excursion. Quelques heures plus tard, on retrouve Rudolf grièvement blessé et, un peu plus loin, le cadavre de von Necker. Leurs blessures ont été causées par les balles de deux revolvers.

Les deux lycéens se sont-ils réellement battus en duel ? Y a-t-il eu plutôt une double tentative de suicide ? Chose curieuse, Rudolf n'a jamais fourni d'explication claire. Toujours est-il qu'il sera arrêté et accusé d'homicide volontaire. Plus tard, en janvier 1912, le tribunal considérera qu'il s'est agi de deux tentatives de suicide, et accordera au futur romancier le bénéfice d'une responsabilité atténuée[3]. D'abord envoyé en observation dans une clinique, Rudolf sera ensuite condamné à passer plus d'un an dans un hôpital psychiatrique, à Tannenfeld[4].

La « tragédie de Rudolstadt » aura un grand retentissement, en Allemagne comme à l'étranger[5]. Pour Rudolf Ditzen, elle consacrera la rupture avec le passé : il ne poursuivra pas ses études et ne passera jamais son baccalauréat ; il ne reviendra plus vivre auprès de ses parents. Lorsqu'il quittera Tannenfeld, en 1913, ce sera pour devenir employé dans un grand domaine. Pendant plus de dix ans, il sera « inspecteur » ou « comptable » au service de plusieurs propriétaires de Silésie, de Poméranie ou du Holstein.

Mais le drame du 17 octobre 1911 aura d'autres conséquences encore pour Rudolf. Dans la famille Ditzen, pour la première fois, semble-t-il, quelqu'un a deviné la crise que traverse l'adolescent. « Tante Ada », une sœur de M. Ditzen, décide d'intervenir.

Mlle Adélaïde Ditzen a alors cinquante-deux ans. Elle vit à Rome depuis de longues années et assiste dans ses opérations un chirurgien célèbre, le professeur Bastianelli. A une époque où les jeunes filles n'entreprenaient pas encore d'études supérieures, elle a appris de nombreuses langues[6] et obtenu à Lausanne son diplôme d'infirmière. Dès qu'elle apprend ce qui s'est passé à Rudolstadt, elle interrompt ses activités professionnelles, quitte Rome et obtient l'autorisation de s'installer à Tannenfeld. Pendant toute la durée de sa détention, Rudolf aura ainsi auprès de lui une femme remarquablement intelligente et cultivée. Se consacrant entièrement à son neveu, Mlle Ditzen va s'efforcer de compléter son instruction : elle lui enseigne la littérature, le français, l'anglais, l'italien. Mais surtout, elle lui propose un but. Elle l'encourage à traduire en allemand des textes étrangers. Surmontant peu à peu ses états dépressifs, Rudolf reprend confiance en lui. Non seulement il traduit, mais il propose ses traductions à plusieurs éditeurs allemands.

Or, il est un titre de livre qui apparaît, dans cette correspondance, dès le mois d'octobre 1912 : c'est Michel-Ange de Romain Rolland. Nous avons la preuve que Rudolf s'est adressé à trois éditeurs au moins : Langen, à Munich, le « Xenien-Verlag », à Leipzig, et Diederichs, à Jena. Les réponses de ces éditeurs ont été conservées[7]. Elles nous apprennent que, dès le 24 octobre 1912, Ditzen a proposé aux deux premiers une traduction de Michel-Ange. L'éditeur Albert Langen refuse la traduction et ajoute : « Cette proposition nous étonne aussi ; en effet, cette œuvre nous a déjà été proposée par un autre traducteur d'ici, qui affirme de façon catégorique être en possession de l'autorisation de M. Rolland »[8]. Le « Xenien-Verlag » demande, avant de pouvoir se prononcer, que Ditzen lui fasse parvenir tout son manuscrit[9]. Quant à Diederichs, il déclare « ne pas être, en principe, opposé à publier le livre de Romain Rolland sur Michel-Ange ». Il souhaiterait que Rudolf lui envoie « un échantillon de sa traduction », et fasse connaître ses exigences en matière d'honoraires. Et il conclut : « Vous pouvez engager vous-même les négociations avec l'éditeur »[10].

Dès le 27 octobre, Rudolf s'adresse à la Librairie Hachette, à Paris, et cherche à acquérir « le droit de traduction en langue allemande des Vies Illustres de M. Romain Rolland ». Hachette répond le 6 novembre : « Nous sommes liés actuellement par des pourparlers jusqu'à la fin du présent mois »[11].

Le 28 octobre, enfin, Ditzen écrit à Romain Rolland. Et cette lettre, que nous appellerons « Lettre A » est le premier des trois textes inédits que nous allons présenter. Il nous a semblé préférable de donner le second (Lettre B) immédiatement à la suite du premier. Six jours seulement séparent les deux messages que Rudolf enverra, en cette fin de l'année 1912, à l'auteur de Jean-Christophe. Pour qui tente de pénétrer le sens profond de ces deux lettres, il est indispensable de ne pas les séparer.

 

LETTRE « A »

 

Sehr geehrter Herr[12],

heute endlich komme ich dazu, Ihnen fuer Ihren so freundlichen Brief zu danken[13]. Ich kannte Sie aus Ihren Buechern wohl so gut, dass ich wusste, Sie wuerden mir Antwort senden, aber einen so schoenen Brief hatte ich nicht erwartet. Vielen, vielen Dank! Mein Tante, die gern ueber mich spottet, sagte, dass ich, seit ich Ihren Brief besaesse, ganz Hochmut und Stoltz geschwollen waere[14].

Und nun habe ich Ihnen eine freudige Mitteilung zu machen: ich suchte nach einer deutschen Verlagsanstalt und hatte die Frechheit, nur an die angesehensten und groessten zu schreiben[15]. Da bekam ich nun gestern einen Brief von Eugen Diederichs, Jena, Verlagsbuchhandlung, dass es garnicht abgeneigt ist, Ihr Buch[16] in meiner Uebersetzung herauszubringen. Uebersetzung herauszubringen. Wenn sich die Kosten nur nicht zu hoch stellen[17]. Ich war gestern so furchtbar froh und schrieb gleich an Monsieur Bréton [18], aber ich habe Angst, das er zu viel Geld fuer die Autorisation verlangt. Wenn diese Kosten naemlich Diederichs zu hoch sind, so wird sich die ganze Sache am Ende noch zerschlagen, denn ich habe nicht das geringste Geld, das ich hereinstecken koennte. Und dann aengstigt mich auch der boese zweite Mann, der auch mit der Idee umgeht, Ihr Buch zu uebersetzen [19]. Es sollte vorlaeufig verboten sein, in Deutschland Ihre Buecher zu lesen bis - ja bis meine Uebersetzung herauskommt [20]. Aber vielleicht wird doch noch alles gut und schoen, was zu wuenschen waere.

Gestern habe ich den ganzen Tag an Ihrem Michel-Ange gearbeitet, durchgearbeitet und immer wieder durchgearbeitet, was ich schon fertig hatte, es in die Schreibmaschine dictiert und es ist wunderbar, dass doch Ihr Original bei dieser intensiven und manchmal doch beinahe geisttoetenden Beschaeftigung mit ihm nicht verliert, nein, je laenger man ueber jede Stelle nachdenkt, um so klarer wird jedes Wort. Und ich weiss ganz bestimmt, dass Ihre Buecher eine grosse Zukunft in Deutschland haben - vielleicht noch mehr als in Frankreich - denn ich habe immer wieder den Eindruck von Ihnen, dass Sie deutsch sind, dass das Innerste Ihres Wesens so eng mit unserer Wesensart verknuepft ist. Und ein venig haben Sie doch auch unseren boesen, deutschen Sentimentalismus. Entschuldigen Sie, dass ich Dinge so frei ausspreche, die Sie vielleicht nur ungern hoeren, aber « wes das Herz woll ist, dem geht der Mund ueber » [21].

Ich haette Ihnen noch viel zu schreiben. Aber die Briefe wegen des Opus, das vielleicht doch nie herauskommt, haeufen sich immer mehr, aber ein andermal darf ich Ihnen vielleicht wieder schreiben, ja ?

Mein Tante laesst Sie vielmals gruessen. Sie ist in grosser Besorgnis wegen Ihrer gemeinsamen Freundin Madame Olga Monod[22]. Sie schrieb ihr mehrmals, Herzen in Lausanne gewendet[23]. -

Noch einmal vielen Dank fuer all das Gute und Mut-Machende, dass Sie mir in Ihrem Briefe sagten. Ich gruesse Sie herzlich.

Ihr Rudolf Ditzen.

28. Oktober 1912                                                      Tannenfel bei Noebdenitz

S.A.

 

LETTRE « B »

 

Sonntag, den 3. November 1912.

Lieber Herr Rolland[24],

das war eine schlimme, schlimme Nachricht. Und Ihr lieber Brief, der mich so troesten sollte, hat dabei doch ein wenig versagt. Denn Sie koennen doch nicht so ganz ermessen, was ich damit verloren habe, was ich verloren habe mit dem Gedanken, nie Ihren « Michelange » uebersetzen zu duerfen[25]. Sie wissen nicht, wie lieb mir gerade dieses Buch war. Wie ich es wieder und wieder las und wie weit ich schon mit der Uebersetzung war. Die einleitung, in der Sie ueber das Christentum reden, weiss ich Wort fuer Wor[26]t. Und sie hatten mir soviel durch dieses Buch gegeben. Ich bin viel reifer geworden, dadurch, dass ich von diesem unerhoerten Ringen eines grossen Genies las. Und ich liebte Sie so um dieses Buches willen. Ihr Jean-Christophe mag schoener, bedeutender sein, Sie moegen mehr von Ihrem Innersten, Eigenen darin gegeben haben, Ihr Michel-Ange ist mir lieber. So wie Ihr Michelange ringt und kaempft und unterliegt und wieder ringt und kaempft und unterliegt, so habe auch ich und Sie und wir alle, die wir Kuenstler sind oder werden wolllen, gerungen, gekaempft und sind unterlegen. Vorlaeufig bin ich besiegt. Und ich trauere ueber meine Niederlage. Alles schien so gut zu gehen, so ueber alles Erwarten gut, ich war so voll von Freude und von Stolz, nun ist das alles gegangen. Wenn ich an die Uebersetzung Ihres Buch dachte, so dachte ich auch an die langen, so furchtbar einsamen Winternaechte hier und ich sah mich schon sitzen, wenn es draussen schneit und an Ihrem Michelange arbeiten. Und die Aussichten, die sich durch diese Arbeit fuer mich eroeffneten! Durch die Uebersetzung Ihres Buches haette ich mir einen Namen gemacht, ich waere nicht mehr ein unbekannter Schreibling[27] gewesen, ich waere der Uebersetzer R. Rolland gewesen!

Das alles ist vorbei. Und Sie finden es viellicht sehr selbstsuechtig, das ich ueber diesen Verlust so klage. Aber vorlaeufig schmertz es sehr.

Und doch habe ich den Mut noch nicht verloren. Ich will nicht nur Ihnen klagen, ich will Sie wieder um etwas bitten. Schon damals, als Sie mir schrieben, dass sich noch ein Zweiter um die Uebersetzung Ihres Buches bewerbe, dachte ich an Ihren Beethoven[28]. Ich will ganz offen sein. Ich kenne das Buch nicht, ich besitze es nicht. Und wenn seine Uebersetzung musikalische Fachkenntnisse erfordert, muss ich darauf verzichten[29]. Denn davon habe ich keine Ahnung. Sollte das Buch aber noch nicht zur Uebersetzung vergeben sein, so bitte ich Sie herzlich darum. Und uns in Deutschland fehlt gerade ein gut geschriebenes Buch ueber Beethoven. Man muesste wieder von vorn anfange[30]. Aber der Mut und der Trieb in mir wollen es nun einmal so. Und es sollen gerade Sie sein, denn sie liebe ich besonders. Ich stelle Sie ueber unsere Deutschen, die heute leben, und ueber Ihre Zeitgenossen in Frankreich. Sie haben so sehr den Ernst und so sehr die Liebe.

Mit der geringen Moeglichkeit, die uns Herr Herzog noch gibt[31], rechne ich nicht. Es geschehen ja manchmal Wunder, mir geschehen sie sicher nicht. Und ich will sie auch nicht. Ich will durch mich weitervund nicht durch Zufaelle.

Aber nun noch einmal vielen Dank fuer Ihren lieben Trostbrief. Und vielen Dank im voraus fuer Ihren Jean-Christophe[32]. Hoffentlich antworten Sich noch einmal dem unbekannten Dingsda in Deutschland und wenn es wieder ein « Nein » ist, so schmerzlich wie das erste kann es nicht werden.

Vielmals danke ich Ihnen.

Ihr Rudolf Ditzen

Tannenfeld b. Noebdenitz

Sachsen-Altenburg

 

L'écriture de Rudolf Ditzen n'est pas toujours facile à déchiffrer. L'auteur de ces deux lettres n'a que dix-neuf ans ; il n'a rien publié ; il est retenu, contre son gré, à Tannenfeld. Il s'adresse à un écrivain célèbre, à qui il va demander de lui confier la traduction d'un livre. On est surpris de constater la forme négligée qu'il donne à sa requête.

Ces lettres ont apparemment été écrites très vite. On y relève des ratures, des corrections maladroites. Dans la lettre « B » une phrase entière a été rajoutée dans la marge ; une flèche indique à quel endroit du texte il faut l'intercaler[33]. Nous avons mentionné déjà certaines libertés que prend Ditzen avec le vocabulaire[34], ou le libellé d'un proverbe[35]. Ajoutons que la ponctuation est parfois fantaisiste, la construction de certaines phrases déroutantes[36].

Signalons enfin que Rudolf n'utilise dans ces deux lettres ni l'inflexion, ni le « b ».

 

 

GENESE D'UNE CORRESPONDANCE

 

Fallada n'a jamais expliqué pourquoi, dans sa jeunesse, il avait proposé à Romain Rolland de traduire certaines de ses œuvres. Et nous ne connaissons pas le sentiment qu'éprouva l'auteur de La vie de Michel-Ange lorsqu'il reçut les lettres du jeune allemand. Il semble bien, d'autre part, que les deux hommes n'aient plus correspondu à partir de 1913. Et il est certain que jamais ils ne se sont rencontrés.

On peut néanmoins trouver, dans les événements antérieurs à 1912, une explication.

M. René Cheval a longuement exposé le rôle que joua, dans l'évolution des idées de Romain Rolland, Malwida von Meysenbug[37]. Née en 1816, elle a quitté l'Allemagne pour s'installer à Londres en 1852. Dans cette ville elle deviendra la préceptrice des filles d'Alexandre Herzen. Mais, dix ans plus tard, elle décide d'aller vivre à Rome. On sait quelle admiration, quelle affection aussi, elle inspira à certains des plus illustres écrivains et artistes de son temps. Or, Malwida von Meysenbug connaît également Gabriel Monod, qui a épousé Olga Herzen, la plus jeunes de ses « filles adoptives ». Et Gabriel Monod, qui est à l'Ecole Normale Supérieure le professeur du jeune Romain Rolland, présente à son élève Mademoiselle de Meysenbug, de passage à Paris. Pendant les deux ans qu'il passe à Rome (1889-91), Romain Rolland se lie d'amitié, à son tour, avec Malwida. Et celle-ci évoquera plus tard cette amitié dans son livre, Le Soir de ma Vie[38].

La tante de Rudolf, Adélaïde Ditzen, ne s'est installée à Rome qu'en 1895. Nous ne savons pas si elle a rencontré Romain Rolland à l'occasion d'un des séjours qu'il a faits dans cette ville. Mais la chose paraît vraisemblable. En effet, Romain Rolland est souvent en Italie à cette époque ; il y passe même une année entière (1911-1912). Certes, Malwida ne vit plus : elle est morte en 1903. Mais il est possible qu'elle ait présenté, au cours des années 1895-1903, son amie au célèbre écrivain.

En effet, Malwida von Meysenbug a connu Adélaïde Ditzen. Deux témoignages nous permettent de l'affirmer. La sœur de Fallada, Madame Hörig, qui a rendu visite à « Tante Ada » à Rome, se souvient des séjours que faisait sa tante, avecMalwida, en dehors de la ville. Selon elle, Malwida aurait été soignée par « Ada » au cours d'une maladie[39]. D'autre part, Madame Amphoux, la fille de Gabriel et d'Olga Monod, a séjourné à Rome en 1897-98, afin d'être auprès de Malwida. Elle a rencontré « Ada », qui « venait très souvent auprès de Malwida »[40].

Il est donc probable que c'est « Tante Ada » qui, en 1912, suggéra à son neveu de s'adresser à Romain Rolland. Peut-être celui-ci ne l'avait-il jamais vue. Mais, ce qui est certain, c'est qu'il avait entendu parler d'elle. Les dernières lignes de la « Lettre A » en fournissent la preuve.

 

 

IMPORTANCE DE CET ECHANGE DE LETTRE

 

« Pour l'instant, je souffre beaucoup ! » On ne saura jamais, bien sûr, jusqu'à quel point Rudolf a pu croire vraiment qu'il deviendrait « le traducteur de Romain Rolland ». Mais sa déception a dû être aggravée encore lorsqu'il reçut, quelques jours plus tard, une nouvelle lettre de Diederichs. L'éditeur lui écrivait en effet : « Mon conseiller littéraire a trouvé que votre traduction était bonne. Lui aussi m'a conseillé de publier ce livre »[41].

Rudolf Ditzen n'a traduit aucune des œuvres de Romain Rolland. Aucune des démarches entreprises à Tannenfeld n'a abouti[42]. Plus de vingt ans après, il lui arrivera de devenir traducteur, mais la situation sera entièrement différente. C'est Hans Fallada, l'auteur de romans connus, qui alors décidera de traduire deux œuvres de Clarence Day[43]. Jamais il ne se vantera d'avoir entrepris ce travail, dont le seul intérêt aura été de lui faire gagner, sans risques, un peu d'argent. Cela se passera en 1936-38.

« Ada » Ditzen n'a-t-elle pas eu raison, malgré tout, d'inciter son neveu, en 1912, à lire et à traduire Les Vies des Hommes Illustres ? Pouvait-elle proposer une tâche plus noble à ce garçon, qu'un drame venait de bouleverser ? Pour ramener à la réalité le lycéen exalté, qui rêvait de « devenir écrivain » sans s'astreindre au moindre effort[44], existait-il un moyen plus sûr que de lui imposer le travail humble et méthodique du traducteur ?

Il suffit de relire les deux lettres de Rudolf pour se convaincre qu'il surmontera sa « défaite ». La « Lettre B » est assez étonnante à cet égard. Après avoir rappelé tout ce qu'il doit au livre de Romain Rolland, il précise sa pensée : « De même que votre Michel-Ange lutte, combat, est vaincu, puis reprend la lutte, le combat, est de nouveau vaincu, ainsi moi-même, vous-même, nous tous, qui sommes artistes ou voulons le devenir, nous avons lutté, combattu, connu la défaite. » En d'autres termes, Rudolf affirme mener le même combat que Romain Rolland :l'un est artiste, l'autre « veut devenir » un artiste...

On ne saura jamais si l'auteur de Jean-Christophe a été touché par cette ingénuité, ou choqué par une telle outrecuidance. Ce qui nous paraît évident, c'est que Ditzen ne doute plus de lui. Pleinement conscient de ses possibilités, il est décidé à devenir « un artiste ». Il ne veut rien devoir au hasard ; il déclare fièrement : « Je veux avancer par mes propres moyens » ! On sait qu'il tiendra parole.

Si le redressement est indéniable sur le plan moral, il est malaisé , en revanche, de mesurer ce que le futur Hans Fallada doit à l'écrivain Romain Rolland. Certes, le jeune homme a été sensible à la « leçon de courage » que l'auteur des Vies des Hommes Illustres a voulu donner à ses lecteurs. Et il l'a écrit dans la seconde des lettres.

Il est douteux que Romain Rolland ait apprécié autant le jugement porté sur son œuvre dans la « Lettre A ». Son jeune correspondant écrit en effet : « J'ai toujours l'impression que vous êtes allemand, que votre être le plus intime est lié au nôtre ». M. René Cheval a démontré à quel point l'auteur de Jean-Christophe avait été parfois agacé ou effrayé par ce « mythe », édifié autour de lui par certains amis mais aussi par beaucoup d'adversaires[45]. Et Madame Romain Rolland nous a montré avec quelle vivacité il était arrivé à l'écrivain de répondre à ce genre d'appréciations[46].

On relève d'autre part chez Rudolf une certitude, exprimée plusieurs fois, avec naïveté, sous des formes légèrement différentes : « Je sais de façon certaine que vos livres auront en Allemagne un grand succès, un succès plus grand peut-être qu'en France » (Lettre A). « Je vous place plus haut que les Allemands actuellement vivants, et plus haut que les Français contemporains. Vous possédez à un tel degré la gravité et l'amour » (Lettre B). Reconnaissons à Rudolf un mérite : il fallait être clairvoyant pour prévoir, dès 1912, l'accueil enthousiaste que les Allemands allaient réserver, un peu plus tard, à romain Rolland.

Enfin, il est un dernier point, dans l'œuvre de Romain Rolland, que Rudolf met en lumières : « Ne possédez-vous pas, vous aussi, un peu de notre mauvaise sentimentalité allemande ? Pardonnez-moi d'exprimer, en toute liberté, des choses que, peut-être, vous n'aimerez pas entendre... » (Lettre A).

Romain Rolland a dû être touché par le scrupule, délicatement énoncé, de son jeune admirateur. Tous ses correspondants ne l'avaient pas habitué à une discrétion semblable.

On en peut que déplorer la disparition des réponses - deux au moins - qu'il lui adressa. Dans les papiers laissés par Fallada il ne reste pas de trace de ces lettres.

 

LA LETTRE « C »

Il existe cependant un texte, inédit lui aussi, qui nous a paru compléter l'échange de lettres d'octobre-novembre 1912. On y décèle comme un écho lointain de la correspondance évoquée ci-dessus.

Ce sont deux feuillets dactylographiés, suivis de la signature manuscrite : « Rudolf Ditzen ». Aucune date n'y figure. Le texte, précédé d'un titre, est allemand. Il contient, vers la fin, deux phrases en français.

Nos recherches ont permis d'établir qu'il s'agissait là d'une lettre adressée par Ditzen au journal berlinois Tägliche Rundschau. Par cette lettre, destinée à être publiée, Rudolf répondait à une série de deux articles, parus le 14 et le 15 novembre 1912, dans le supplément du journal[47]. Nous avons retrouvé ces articles[48]. L'auteur qui signe « F.W. » n'a pu être identifié.

Sous le titre Deutschland in der heutigen französischen Literatur, « F.W. » s'attache à démontrer que les romanciers et auteurs dramatiques français ne donnent des Allemands qu'une image tendancieuse. Depuis la crise marocaine, précise-t-il, les Allemands qu'ils représentent sont invariablement grossiers et stupides. Mais il cite des œuvres parfois plus anciennes, et appuie sa démonstration sur cinq romanciers : Marcel Prévost, Maurice Barrès, Victor Margueritte, René Bazin et Octave Mirbeau. Choisissant pour chacun une œuvre « caractéristique », il critique en particulier Moloch, de « Monsieur Prévost ». En effet, en la matière, cet auteur « passe en France pour être connaisseur »[49].

Voici la « réponse » de Rudolf Ditzen :

DEUTSCHLAND IN DER HEUTIGEN FRANZOESISCHEN LITTERATUR

Unter dem obenstehenden Titel erschien in den No. 269, 270 der Unterhaltungsbeilage der Tägliche Rundschau ein von F.W. unterzeichneter Ausfatz, der im höchsten Grade irreführend wirkt. Der Verfasser versucht darin, die Art und Weise, in der Deutschland augenblicklich in der französischen Litteratur dargestellt wird, zu charakterisieren. Aber das alles war nur ein Versuch und es musste ein fehlgeschlagener werden, da sich F.W. allzu sehr in der Wahl seines Stoffes beschränkte.

Ja, was versteht er denn am Ende unter des französischen Litteratur? Wenn der Verfasser da nur von Kitsch und Schmarren reden will, so ist er völlig in seinem Rechte, den Roman von Prévost vielleicht ausgenommen. Und auch dieser wird, wie ich weiss drüben mit zweifelhaften Augen angesehen. Den Prévost gilt garnicht so sehr drüben als der Kenner Deutschlands[50]. Dafür fühlt man viel zu sehr aus jedem seiner Worte den engen Parteistandpunkt heraus.

Aber ich möchte hier einmal auf einen anderen französischen Roman hinweisen, der von einem der Ersten drüben geschrieben wurde, der eine grosse Verbreitung fand, trotzdem er Deutschland und Deutsche schilderte oder vielleicht gerade, weil er sie schilderte ohne jede Gehässigheit, mit ruhigen Augen und gleichmässig wägend : Jean-Christophe von Romain Rolland[51]. Rolland ist viel zu wenig bei uns bekannt, sonst könnte man nicht immer wieder derartigen Aufassungen begegnen, wie sie F.W. äusserte, und wie sie das Publikum ohne Wiederspruch über sich ergehne lässt.

Jean-Christophe ist ein Deutscher und der Roman spielt (wenigstens in den ersten Bänden) in Deutschland, in einer kleinen süddeutschen Residenz. Der Vater des Jungen ist ein vertrunkener Kappelmeister, die Mutter ist Köchin. Die Jugend dieses Knaben in der kleinen Stadt ist berauschend geschildert. Jener feine Hauch liegt über jedem Elerbniss des erwachenden Kindes, den nur deutsche Luft mit sich bringt, ein süsser und beinahe sentimentaler Hauch, der um all unsere Kindheit liegt, den wir bespötteln mögen und den wir doch nicht zu entbehren vermöchten. Und über diese unsere Sentimentalität redet Rolland. Auch er vermag nicht zu spotten, denn er hat wohl erkannt, wie eng sie mit unserm Wesen verknüpft ist aber er zeigt uns, wie viele schmerzhafte und zerrende Kämpfe der Held seines Buches braucht, um frei zu kommen von dieser süssen und dennoch unseligen Gabe[52], die ihm sein Nation in die Wiege legte. Vieles in den Erlebnissen dieses Komponisten klingt an und erinnert an das Leben unsrer grössten Musiker: Wagner, Beethoven. Und Rolland macht so feine Bemerkungen über unser Leben und unsere Kunst, Bemerkungen, die wir nur noch nicht den Mut hatten zu machen. Wie ich dieses Buch las, musste ich immer an ein Wort denken, das er mr einmal schrieb : « Voyez-vous : les braves gens de tous les pays se ressemblent. Je me trouve chez moi partout en Europe[53] ».

Aus dieser Gesinnung heraus ist das Buch geschrieben, und wo er lobt, da lobt er mit Recht, und wo er tadelt, da ziemt es sich für uns ein wenig nachzudenken. Wer das Buch gelesen hat, wird anders von unseren Nachbaren jenseits des Rheines denken und ihnen über alles Streitigkeiten unserer Tage hinweg die Hand schütteln, als tüchtiger Mann, der den anderen enbenso tüchtigen grüsst.

Rudolf Ditzen

 

La comparaison de ce troisième texte avec les « Lettres A et B » permet de constater une différence notable : les inflexions sont indiquées. En revanche, Ditzen continue à ignorer le « ß »). Les fautes de grammaire sont devenues plus nombreuses encore. C'est ainsi qu'on en relève aussi bien dans la division des mots en syllabes que dans la ponctuation. Mais il en est d'autres, dans la déclinaison des noms et des adjectifs[54]. L'orthographe de certains noms ne correspond pas à l'usage actuel[55]. Une faute est particulièrement surprenante : elle concerne un nom qui figurait - correctement - dans le titre original[56] ! Signalons pour finir une expression insolite[57].

En rédigeant sa réponse à l'article du journal, Rudolf semble avoir poursuivi un double objectif. D'une part, il « rompait une lance » en faveur de Romain Rolland ; il essayait de le faire connaître aux lecteurs allemands. Mais il y a plus dans cette lettre. Sur un ton dont la modération contraste avec la hargne de « F.W. », Ditzen s'efforçait de rétablir la vérité. Il tentait de donner une autre image des Français et de leur littérature. Et son mérite nous paraît assez grand si l'on songe à l'époque où ce texte a été écrit.

En effet, il nous est possible de dater, à un mois près, cette lettre. La direction de la Tägliche Rundschau la renvoya, le 10 février 1913. Une lettre accompagnait le texte de Rudolf. Dans cette lettre, un rédacteur expliquait que « dans la grande fièvre des derniers travaux précédant Noël », on avait « par mégarde », oublié de publier son envoi[58]. C'est donc entre le 15 novembre et le 25 décembre 1912 que le futur Hans Fallada avait envoyé se « réponse », qui jamais ne fut publiée[59].

Jean FULL

Etudes publiée pour la première fois dans la Revue
RECHERCHES GERMANIQUES, N°3, 1973,
Université des Sciences Humaines, Strasbourg, 1973.

Site internet : http://www-umb.u-strasbg.fr/recherches-germaniques.html

Nous tenons à remercier tout particulièrement le Service des Publications et Périodiques de l'Université March Bloch de Strasbourg, pour nous avoir aimablement transmis une copie de l'article original.



 

[1] Wilhelm Ditzen était né en 1852. Il fut nommé « Reichsgerichtsrat » à l'âge de cinquante-six ans.

[2] Rudolf a adressé des lettres anonymes à la fille d'un collègue de son père. Découvert, il tente de se suicider, en mars 1911.

[3] Le tribunal appliquera en sa faveur le paragraphe 51 du Code pénal. Il concerne celui qui, « du fait d'une perte de conscience, d'une maladie entravant les activités intellectuelles, ou d'une débilité mentale, n'est pas en mesure de reconnaître le caractère illicite de l'acte ou d'agir conformément à cette conviction ».

[4] Désormais, l'adresse de Rudolf sera : Tannenfeld bei Nöbdenitz (Sachsen-Altenburg).

[5] Le 19 octobre 1911, le journal Berliner Abendpost publie les résultats de son enquête, sous le titre : « Die Rudolstädter Gymnasiastentragödie ». On y trouve les déclarations du colonel von Busse, chez qui Rudolf logeait, et celles du proviseur du lycée. Celui-ci porte le jugement suivant sur son élève : c'est un garçon « extrêmement doué », mais « très nerveux » et « très irritable ». Il travaille peu en classe et « n'a qu'une seule ambition, celle de devenir écrivain ».

[6] Le dynamisme de « Tante Ada » fera l'admiration de son neveu, bien plus tard encore. C'est ainsi qu'il écrira, le 20 décembre 1938, à son éditeur Ledig : « Ce texte a été traduit par ma vieille tante. Elle a le génie des langues et en parle couramment dix ou douze. Aujourd'hui encore, à l'Université de Marburg, elle donne des cours d'allemand à des Américains, des Japonais... ». Et Fallada indique à l'éditeur que Mademoiselle Ditzen accepterait avec gratitude quelques travaux de traduction. Or, elle est âgée, à cette époque, de soixante-dix-neuf ans !

[7] Monsieur Horst Bechert, le neveu de Fallada, a bien voulu mettre ces lettres à notre disposition.

[8] « In Erwiderung auf Ihr Schreiben vom 24. Oktober 1912 bedauern wir, Ihrem Angebot bezüglich des Michelangelo von Romain Rolland nicht näher treten zu können. Dieses Angebot überrascht uns auch deshalb, weil uns das betreffende Werk von einem anderen hiesigen Uebersetzer bereits angeboten wurde, der bestimmt behauptet, die Autorisation des Herrn Rolland dafür in der Hand zu haben ». (Lettre de l'éditeur Albert Langen, à Munich, addressee à Rudolf Ditzen le 5 novembre 1912).

[9] « Wir empfingen Ihre freundlichen Zeilen vom 24.ds. Mts. betreffend Ihre Uebersetzung des Michelangelo und müssen Sie im Verfolg Ihrer Offerte zunächst um freundliche Uebersendung des Gesamt-Manuskriptes bitten... ». (Lettre des éditions « Xenien-Verlag », à Leipzig, adressée à Ditzen le 28 octobre 1912).

[10] « Ich wäre im Prinzip nicht abgeneigt, das Buch von Romain Rolland über Michelangelo zu bringen. Zu weiteren Verhandlungen ware nötig, dass Sie mir das Original mit einer Uebersetzungsprobe und Honoraransprüchen zuschickten. Mit dem Verleger können Sie ja selbst unterhandeln ». (Carte des éditions Eugen Diederichs, à Jena, adressée à Ditzen le 26 octobre 1912).

Rudolf s'empressa d'envoyer l'échantillon demandé ; en effet, le même éditeur lui écrira, le 31 octobre : « Ich bestätige Ihnen mit Dank den Empfang der Uebersetzungs probe ».

[11] « Nous avons bien reçu la lettre du 27 octobre, dans laquelle vous nous demandez à acquérir le droit de traduction en langue allemande des Vies illustres de M. Romain Rolland. Nous sommes liés actuellement par des pourparlers jusqu'à la fin du présent mois, et si, à ce moment, nous n'avions pas définitivement traité, nous nous mettrions immédiatement en rapport avec vous ». (Lettre de la Librairie Hachette à Paris, adressée à Rudolf Ditzen le 6 novembre 1912).

[12] La lettre a été adressée à Monsieur Romain Rolland, 162 Boulevard Montparnasse, Paris. Elle est écrite à la main et comporte six pages. Elle est timbrée de Nöbdenitz, le 28 octobre 1912.

[13] Ditzen a donc écrit une première lettre à Romain Rolland, qui n'a pas été retrouvée jusqu'ici.

[14] Il ne peut s'agir que de « Tante Ada », qui est venue s'installer dans une aile de l'établissement, et qui voit tous les jours son neveu.

[15] Cf. les lettres citées des éditeurs Albert Langen, « Xenien-Verlag », et Diederichs.

[16] Romain Rolland a publié Michel-Ange en 1905, et La Vie de Michel-Ange en 1906. Comme les essais de traduction de Rudolf Ditzen n'ont pas été conservés, nous en sommes réduits aux conjectures pour déterminer laquelle des deux œuvres il comptait traduire. Cependant, deux indices nous feraient opter pour La Vie de Michel-Ange. C'est d'abord l'allusion aux Vies Illustres dans la lettre citée de Hachette (Cf. supra : note 11) : Il est probable que Rudolf a formé le projet de traduire les trois « Vies » de Michel-Ange, de Beethoven et de Tolstoï. Une lettre de l'éditeur Diederichs , datée du 9 décembre, apporte la preuve que celui-ci serait prêt à prendre des engagements pour les deux premières, mais qu'il ne s'intéresse pas, en revanche, à la Vie de Tolstoï, parue en 1911.

D'autre part, le passage de la « Lettre B », dans lequel Rudolf explique à Romain Rolland pourquoi il aime son livre, semble bien s'appliquer à la Vie de Michel-Ange.

[17] Cf. supra : note 10.

[18] M. Bréton était le directeur des Editions Hachette. Nous avons la réponse de Hachette à cette lettre de Ditzen. (Cf. supra : note 11).

[19] Il est probable que c'est par Romain Rolland lui-même que Rudolf a appris la chose. Elle lui sera confirmée ensuite par Alber tLangen, le 5 novembre, et par Hachette, le 6. Romain rolland avait certainement mis en garde son jeune correspondant dès sa première lettre. Et celui-ci le reconnaîtra dans la « Lettre B » : « Schon damals, als Sie mir schrieben, daß sich noc hein Zweiter um die Uebersetzung Ihres Buches bewerbe... ».

[20] « Meine Uebersetzung » : le mot a été souligné par Rudolf.

[21] On notera la modification apportée par Ditzen, sans doute involontairement, à ce proverbe connu : « dem » geht der Mund über. Luther avait proposé la traduction suivante de ce verset du nouveau Testament (Mathieu, XII, 34, et Luc, VI, 45) : « Wes das Herz voll ist, des gehet der Mund über ».

[22] Madame Olga Monod était la fille cadette de l'écrivain politique russe Alexandre Herzen (1812-1870). Née en 1850, elle avait épousé en 1873 le professeur Gabriel Monod. Elle devait mourir en 1952, à l'âge de cent-deux ans.

[23] Nathalie Herzen (1844-1936) était la sœur de Madame Olga Monod. Le silence de Madame Monod, à ce moment-là, s'explique aisément : elle venait de perdre son mari, le 10 avril 1912.

[24] Comme la précédente, cette lettre est écrite à la main et comporte six pages. Mais l'en-tête a changé. « Sehr geehrter Herr » a été remplacé par : « Lieber Herr Rolland ».

[25] Les lettres de Romain Rolland n'ayant pas été conservées, nous ne pouvons que supposer ce qu'a écrit l'auteur de Jean-Christophe : il lui est impossible d'accorder à Rudolf l'autorisation de traduire La vie de Michel-Ange, parce que cette autorisation a déjà été donnée à un autre.

[26] Dans l'introduction de son livre, Romain Rolland s'efforce d'expliquer la « souffrance » de Michel-Ange, « qui vient du fond de l'être, qui le ronge sans relâche », par le christianisme. Pour l'auteur, qui affirme avoir connu, dans son enfance, le « pessimisme chrétien », Dieu et la Vie éternelle seraient le « refuge de ceux qui ne réussissent point à vivre ici-bas » (Vie de Michel-Ange ; 4e édition ; Hachette, 1913 ; page 11).

[27] Sic.

[28] La vie de Beethoven a paru dès 1903, aux Cahiers de la Quinzaine.

[29] « Fachkenntnisse » : Rudolf a souligné la première partie du mot.

[30] « Man müsste... » ne peut désigner que Ditzen lui-même. Il lui faudrait en somme « revenir à zéro », abandonner le livre qu'il a commencé à traduire, et en traduire un autre.

[31] Wilhelm Herzog était le directeur de la revue Das Forum, de Munich. Il contribua à faire connaître Romain Rolland en Allemagne par ses articles, mais aussi par ses traductions. C'est lui qui allait traduire en allemand La vie de Beethoven en 1917.

[32] Romain Rolland a terminé son Jean-Christophe en juin 1912. Et la dernière partie vient de paraître en octobre. Il est donc vraisemblable qu'il annonce dans sa lettre l'envoi de l'œuvre, et que Rudolf l'en remercie « d'avance ».

[33] C'est la phrase : « Und uns in Deutschland fehlt gerade ein gut geschriebenes Buch ueber Beethoven. »

[34] Cf. supra : note 27

[35] Cf. supra : note 21

[36] Cf. « Lettre A » : la phrase : « Gestern habe ich... jedes Wort ».

[37] René CHEVAL : Romain Rolland, l'Allemagne et la guerre. Presses Universitaires de France, Paris 1963, 769 p. ; pages 74-84.

[38] Malwida von MEYSENBUG : Der Lebensabend einer Idealistin. Schuster und Löffler Verlag, Berlin und Leipzig, Volksausgabe, Ohne Jahresangabe; 491 S.; 12. Kap. (Gedachtes); S. 371-380.

[39] Lettre de Madame Elisabeth Hörig à son neveu Horst Bechert, du 13 mai 1970. M. Bechert a bien voulu nous communiquer le contenu de cette lettre.

[40] Lettre de Madame Amphoux à nous-même, du 5 décembre 1972.

[41] Lettre des Editions Eugen Diederichs, adressée à Ditzen le 11 novembre 1912.

[42] Rudolf Ditzen avait essayé également d'obtenir des éditions Bernard Grasset, à Paris, l'autorisation de traduire en allemand Monsieur des Lourdines, d'Alphonse de Chateaubriant.

[43] Clarence DAY : Life with Father (Unser Herr Vater), Rowohlt, 1936 ; Clarence DAY : Life with Mother (Unsere Frau Mama), Rowohlt, 1938.

[44] Se reporter aux déclarations du proviseur de Rudolstadt (note 5).

[45] René CHEVAL : o.c. (Romain Rolland en procès) ; p.15-55.

[46] « Je suis Français, pur Français, du centre de la France (Nièvre), et d'une famille établie depuis des siècles (je puis remonter jusqu'au XVIe), dans le même pays de France, sans mélanges étrangers ». (Lettre de Romain Rolland à Hermann Bahr, du 12 mars 1908, communiquée par la Bibliothèque Nationale de Vienne. Madame Romain Rolland a bien voulu nous la communiquer).

[47] Tägliche Rundschau : Unterhaltungsbeilage.

[48] La Bibliothèque Universitaire de Tübingen nous a procuré la photocopie de ces deux articles.

[49] « Prévost gilt als Kenner Deutschlands ». (Tägliche Rundschau; Unterhaltungsbeilage, Nummer 270, 15.XI. 1912).

[50] Ditzen ne fait que rappeler une évidence.

[51] « F.W. » avait « oublié » de mentionner Romain Rolland parmi les romanciers français qui évoquaient l'Allemagne et les Allemands.

[52] Ditzen revient à plusieurs reprises sur ce thème de la « sentimentalité » chez Romain Rolland. Ce passage rappelle une phrase de la « Lettre A » : « Und ein wenig haben Sie doch auch unseren bösen, deutschen Sentimentalismus". Cette fois, il loue le romancier français d'avoir dénoncé les dangers de ce « présent funeste ».

[53] Cette citation de Romain Rolland est vraisemblablement empruntée à l'une des deux lettres que l'écrivain vient de lui adresser.

[54] Ditzen a écrit : « um all unser Kindheit », « von unsern Nachbaren ».

[55] « Wiederspruch ». « Erlebniss ». « Aufassung ».

[56] En empruntant le titre de l'article de « F.W. », Rudolf a remplacé le mot « Literatur » par « Litteratur ».

[57] « Ein vertrunkener Kapellmeister ».

[58] « Wir müssen Sie sehr um Entschuldigung bitten, daß Ihre freundliche Einsendung in der Hitze der vorweihnachtlichen Arbeiten versehentlich liegen geblieben ist. Es ist und damals bei dem ungeheuer großen Stoffandrang nicht möglich geworden, Ihre Zuschrift zu verwerten. Wir geben sie Ihnen nun noch nachträglich mit bestem Dank und der Bitte, das Versehen zu entschuldigen, zurück. Mit vorzüglicher Hocachtung. Redaktion der « Tägelichen Rundschau »  i.A. : Hüls. » (Lettre de la Tägliche Rundschau, adressée de Berlin à Rudolf Ditzen, le 10 février 1913).

[59] Je tiens à remercier ma gratitude à toutes les personnes qui m'ont permis de mener à bonne fin cette étude.

Madame Marie Romain Rolland m'a autorisé à publier les deux lettres que Rudolf Ditzen adressa, en 1912, à Romain Rolland. Le professeur Horst Bechert, neveu de Hans Fallada, m'a autorisé à publier la lettre que celui-ci envoya, la même année, à la Tägliche Rundschau. D'autre part, il a mis à ma disposition les lettres adressées à Rudolf par plusieurs éditeurs allemands et français, en 1912 et 1913, ainsi que celles de Fallada qu'il possède. Il m'a fait bénéficier enfin de sa connaissance approfondie de tout ce qui concerne son oncle.

Madame Emma Hey, qui détient les droits d'auteur sur les œuvres de Fallada, m'a autorisé à entreprendre des recherches dans les manuscrits et les lettres de l'écrivain, qu'elle possède à Braunschweig. Elle m'a également accordé l'autorisation de publier cette étude.

Pour élucider le problème des relations entre le jeune Ditzen et Romain Rolland, j'ai été aidé par Madame Romain Rolland, ainsi que par Madame Amphoux, la fille de Gabriel et d'Olga Monod. L'une et l'autre m'ont fourni, très aimablement, des précisions irremplaçables.

Je voudrais remercier enfin Monsieur René Cheval, qui m'a encouragé à poursuivre ces recherches, et dont le livre sur Romain Rolland a beaucoup facilité mon travail.