07/03/2011
Recension
Nouveauté : recension (english book)
Hans Fallada : Short Treatise on the Joys of Morphinism
C'est avec joie que nous avons pu mettre la main sur ce petit livre qui vient de paraître chez Penguin Books. Il contient la traduction deux nouvelles de Hans Fallada, tirées du receuil de nouvelles Drei Jahre kein Mensch, paru chez Aufbau en 1997 (1).
Comme nous l'indiquions la semaine passée, ces deux nouvelles ont été très partiellement traduites en français. De pouvoir les lire fût-ce en anglais mais dans leur intégralité est un véritable régal.
Le premier texte "Short Treatise on the Joys of Morphinism" était déjà disponible en anglais, sous le titre "The Deadly Rausch", toutefois il s'agissait d'une version mutilée sans que les éditeurs aient pris soin de mentionner les passages omis ou au moins de signaler qu'il s'agissait d'une version tronquée. Aussi, nous serons gré au traducteur, Michael Hofmann, de nous restituer non seulement la version complète, mais dans une traduction remarquable. Le style propre à Hans Fallada est restitué fidèlement et l'on est tenu en haleine tout au long du récit.
"Short Treatise..." est le récit d'un morphinomane en manque de sa dose quotidienne et qui va tenter de se procurer de la "benzene" par divers procédés plus ou moins éculés (fausses ordonnances, simultation de maux divers nécessitant un traitement à la morphine, etc...). La trame même de ce récit est remarquable : plus l'on avance dans le récit et plus le héros s'empêtre dans ses difficultés au point de perdre finalement le contrôle jusqu'au moment final (que nous nous garderons bien de raconter !).
Ceci dit, la grande réussite est sans aucun doute est le balancement constant du récit entre les rêves du héros Hans (Fallada?), ses visions fantastiques suscitées par l'usage de stupéfiants voire par la seule idée d'une prochaine injection et la réalité sordide qui s'en-tête à reflêter l'extrême opposé de ces rêveries, comme d'emprunter tous les chemins qu'il aurait fallu précisément éviter...
Un fatalité implacable s'abat sur le héros. Comme souvent dans les romans de Fallada, le héros veut agir résolumment mais au moment de passer à l'action, il agit en faisant exactement le contraire de ce qu'il avait prévu, comme mû par un instinct incontrôlable impossible à réfrenner. Aussi, de petits malheurs en petits malheurs, la descente vers le fond s'avère inexorable.
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Le second récit (Three Years of Life) se veut autobiographique (le héros se nomme Hans Fallada (2)) et raconte l'histoire d'un homme qui voulant se guérir de l'alcoolisme, va escroquer son patron en lui volant 12 000 marks, s'en aller les dépenser avant de se rendre à la Police pour se faire arrêter... pensant que la prison est le meilleur moyen de se seuvrer et de renoncer à l'alcool. Mais la police commence par ne pas le prendre au sérieux, qualifiant ses propos de délires d'ivrogne, et le flanque à la porte ! A force d'insister, il finira enfin par être mis en détention préventive.
Il s'ensuit alors une long monologue sur la vie en prison, les réglements absurdes, les privations inutiles, les moyens de se débrouiller sans se faire mal voir des gardiens, etc... Une atmosphère déjà décrite dans Le roman du prisonnier (3).
Une autre passage impressionnant est cette évocation très réaliste de sa phobie des punaises de lit (les voit-il réellement ou n'est-ce qu'une crise de delirium tremens ?) qui enchaine une série de réflexions sur ce qu'il voit, croit voir et ce que les autres disent voir ou ne pas voir.
Enfin, Hans Fallada décrit, en quelques portraits, ses compagnons de cellule, dressant une galerie des différents "types" que l'on rencontre en cellule, de tous ces "Robinson Crusoé" qui atterrissent là et doivent tout réapprendre dans cette nouvelle vie... comme sur une île déserte.
On retrouve là le talent bien connu de l'auteur pour décrire la vie des petites gens qui l'entourent, compagnons d'infortune qui arrivent - ou pire n'arrivent pas - à se faire à la vie carcérale.
La densité du texte (40 petites pages) est extraordinaire. L'auteur va droit à l'essentiel avec une adresse incomparable avec un sens du détail que la brièveté du récit aurait pu mettre de côté.
Le seul regret que nous ayons en refermant ce petit livre est l'impression de "trop peu"... On aurait aimé trouver d'autres nouvelles tellement le plaisir a été grand !
Alain C. (7 mars 2011)
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Hans Fallada
Short Treatise on the Joys of Morphinism
Penguin Books, London, 2011, 69 pages
(1) Drei Jahre kein Mensch, erlebtes, erfahrenes, erfundenes. Geschichten aus dem Nachlass, 1929-1944, Aufbau, Berlin, 1997).
(2) Hans Fallada étant le nom de plume, on peut se demander si tout est réalité ou si une part de fiction n'entre pas aussi dans le récit ? Hans Fallada a toujours su maintenir ces limites suffisamment floues pour laisser au lecteur la liberté d'interpréter à sa guise.
(3) Wer einmal aus dem Blechnapf frisst, 1934
Mais ici, l'accent est mis sur quelques points saillants et notamment la dépendance du héros non plus envers l'alcool - dont curieusement il arrive à se passer - mais envers le tabac... et la quête de cigarettes ou plus encore d'allumettes ! devient l'occupation principale...
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